D’un point de vue médical, l'homosexualité a longtemps été considérée comme une déviance, une perversion. Le corps médical s’y intéresse en premier lieu comme un symptôme, une maladie. Le terme « homosexualité » apparaît en 1869 par le Dr Bankert en le rattachant aux déviations de certaines conduites sexuelles et à un trouble psychopathologique ou à une maladie.
Au niveau de la psychanalyse, si Sigmund Freud s’intéresse à la bisexualité psychique, il nommera néanmoins l’homosexualité comme « inversion »; classée parmi les déviances sexuelles. Cela semble paradoxale, puisque celui-ci « a milité, avec d’autres sexologues de son temps, pour la dépénalisation de l’homosexualité ». En 1935, il défend un jeune homme auprès de sa mère qui lui écrivit une lettre pour guérir son fils. Sa fille, Anna Freud, pourtant homosexuelle considère que c’est une maladie à guérir et sera fortement contre le fait qu’un homosexuel soit psychanalyste.
L’homosexualité fut ainsi considérée comme une pathologie psychiatrique jusqu’en 1973 aux USA et jusqu’en 1992 en France. Elle avait sa place dans un diagnostic psychiatrique au même titre que la schizophrénie ou la dépression. L’homosexualité n’a été supprimée qu’en 1990 de la liste internationale des maladies mentales par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Aujourd’hui encore, 72 pays sur 194 condamnent les relations homosexuelles par des peines de prison, des travaux forcés ou encore par de la torture. Dans treize pays, l’homosexualité est encore passible de la peine de mort. Cela est pire pour la transidentité qui a souvent été classée comme ‘travestissement fétichiste’ puis comme un trouble de l’identité sexuelle dans le DSM, en passant par la dysphorie de genre pour finalement être considérée comme une incongruence de genre (CIM 11, 2022).
L’homosexualité, longtemps perçue comme une maladie, a fait l’objet du travail de plusieurs médecins qui se sont intéressés à comment ‘remédier’ aux symptômes : les thérapies de conversion voient le jour.
Ainsi, des procédés thérapeutiques peu éthiques ont été mis en place pour tenter de « soigner » l'homosexualité. À partir de 1976 aux Etats-Unis, des organisations laïques, axées sur des formes de développement personnel, proposent des thérapies de conversion. Les thérapies de conversions voient aussi le jour dans le milieu religieux, avec la théologienne Elizabeth Moberly (1983) qui fut la première à lier la thérapie de conversion et la religion chrétienne. Elle écrit dans son ouvrage ‘Homosexuality: A New Christian Ethic’ que l'homosexualité ne dépend pas d'une prédisposition génétique ou hormonal, mais de difficultés dans la relation parent-enfant, ce qui rejoint le courant psychanalytique.
Les thérapies de conversion utilisent des techniques similaires à celles utilisées dans le traitement des paraphilies, pourtant l’homosexualité a été dûment retiré de la liste des paraphilies dans le troisième ouvrage du DSM en 1980. Les thérapies de conversion, qui ne s’appuient donc sur aucune théorie scientifique, ont été mis en cause pour aggravation de la santé mentale chez les personnes ayant vécu ces ‘thérapies’. En effet, les homosexuels qui avaient subi ce genre de thérapie avaient un risque plus accru de tentatives de suicide. Ceci a été confirmé par une vaste étude qui porte sur les effets des traitements dit de conversion sur les personnes trans (Meredith Wadman, 2019). Cette étude a révélé que les personnes transgenres ayant déclaré avoir suivi une thérapie dite de conversion étaient plus de deux fois plus susceptibles d'avoir tenté de se suicider au cours de leur vie que leurs pairs ayant suivi d'autres types de thérapie. De plus, pour ceux qui avaient moins de 10 ans lorsque les praticiens ont tenté d’aligner leur identité de genre sur le sexe qui leur avait été assigné à la naissance, le risque relatif de tentative de suicide était quatre fois plus élevé. L'étude, basée sur une enquête menée en 2015 auprès de près de 28 000 personnes transgenres, a également révélé que les survivants d'une thérapie de conversion étaient 1,5 fois plus susceptibles que leurs pairs, ayant suivi d'autres types de thérapie, d'avoir ressenti une « détresse psychologique grave ».
En 2020 l’ONU publie des chiffres alarmants décrivant que les thérapies de conversion sont autant faites par les organisations religieuses que par les prestataires médicaux et de santé mentale dans le reste du monde. Les pourcentages de personnes touchées dans la communauté LGBTI sont de plus de 10% dans le sud des Etats-Unis et la tranche d’âge reste majoritairement des mineurs avec 4 sur 5 personnes victimes de ces thérapies ayant moins de 24 ans. Malgré leurs graves répercussions, ce n’est que récemment que ces formes de thérapies se sont faites interdire en France en Janvier 2022. Cependant, l’idée qu’il s’agisse d’un trouble mental est toujours d’actualité et les thérapies de conversion sévissent encore sous une forme déguisée.
Bien que certains types de thérapies homophobes se soient faites interdire, l’homophobie reste très présente encore dans le milieu médical. Nous constatons alors que dans le milieu médical 17% des gays et 20% des lesbiennes ont déjà subis des commentaires homophobes et ont fait face à de la discrimination (Santé Publique France, 2021). La peur de tels incidents, combinée au manque de confiance envers le personnel de santé, peut faire renoncer à des prestations. Cette discrimination peut conduire au développement de traumatismes : développement de troubles psychiques induits par le rejet et traumatismes qui dans certains cas peuvent se développer en trouble du stress post-traumatique.
Chloé ROSATI,
Psychopraticienne
Bibliographie :
Genre et santé Inserm, La science pour la santé. (s. d.). Inserm. https://www.inserm.fr/dossier/genre-et-sante/
P, J. (2023, 7 septembre). Quelle égalité des chances entre hommes et femmes dans la santé ? Santé Sur le Net, L'information Médicale Au Cœur de Votre Santé. https://www.sante-sur-le-net.com/egalite-chance-homme-femme-domaine-sante/
VIDAL C, Rapport du Haut Conseil à l'Égalité entre les femmes et les hommes," Prendre en compte le sexe et le genre pour mieux soigner : un enjeu de santé publique"
Inégalités de santé entre femmes et hommes : comment agir concrètement ? (s. d.). Institut Montaigne. https://www.institutmontaigne.org/expressions/inegalites-de-sante-entre-femmes-et-hommes-comment-agir-concretement
Santé Publique France, 2021. Discriminations : un enjeu majeur de santé publique. https://www.egalite-femmes-hommes.gouv.fr/sites/efh/files/migration/2021/05/Dossier-de-presse-Impact-des-discriminations-sur-la-sante-Vdef.pdf
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