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Les mécanismes de défense lors d'un abus sexuel

Plusieurs mécanismes de défense se mettent en place lorsqu'une personne subit un abus sexuel - ces mécanismes peuvent perdurer dans le temps, empêchant la victime de vivre pleinement et sereinement.


La sidération psychique

Lors d’une agression, une réaction bien connue des personnes victimes est souvent décrite : la sidération. La sidération psychique ou immobilité tonique est un mécanisme de défense mis en place lors de l’événement traumatique, qui de par son extrême violence, entraine un débordement émotionnel qui va laisser la personne dans un état de sidération. Quand le corps est dépassé au-delà de sa capacité à gérer un évènement, il entre dans un état de choc (Levine, 1997). La victime, dans un état de stupeur va se figer et sera donc dans l’impossibilité de s’opposer à son agresseur, de faire face ou de s’enfuir. La personne agressée est totalement déconnectée de son appareil psychique et donc ne peut comprendre ce qui est en train de se produire. Ce moment de « gel » est expliqué par le psychologue James W. Hopper (2015), spécialisé dans la neurobiologie du trauma « l’amygdale est la zone du cerveau responsable d’évaluer le danger. Si elle estime que la résistance est futile, la peur peut causer une immobilité tonique, où la personne est incapable de crier, parler, ou bouger, même si elle essaie ». Le cerveau qui est en état de stress extrême, estime que le danger est trop grand : les hormones de stress deviennent trop élevées et créés donc un état d'anesthésie émotionnelle et physique pour ainsi se protéger et supprimer la peur et la douleur rencontrées. L’abus étant incompréhensible et inconcevable, les personnes se retrouvent paralysés psychiquement et physiquement, dans l'incapacité de réagir, de se défendre, de fuir, ou de comprendre ce qu’il se passe réellement.


La dissociation

La dissociation n’est rien d’autre que la conséquence de la sidération. Ce mécanisme de défense peut être décrit par le cerveau qui se déconnecte (ou disjoncte) dans le but de se protéger. "Le cerveau disjoncte, pour éviter la mort ou une atteinte neurologique extrême à la victime. Une alarme va hurler de plus en plus fort en soi et c’est cela qui provoque la dissociation traumatique, cette impression pour la victime d’être spectatrice de l’événement, comme déconnectée de son corps ». Muriel Samona.


Ce mécanisme de défense entraîne une sensation d'irréalité, d'étrangeté, d'absence, et qui donne à la personne l'impression d'être spectateur des événements. Cette déconnexion du cerveau va venir isoler l'amygdale cérébrale de l'hippocampe (structure qui gère la mémoire). L'hippocampe ne fait donc plus son travail d'encodage et de stockage de la mémoire sensorielle et émotionnelle – le traumatisme de la violence va rester piégé dans l'amygdale sans être traité, ni encodé dans la mémoire autobiographique. L’événement traumatique devient alors une expérience comme vécue à la 3ème personne, la personne est sortie de son corps et a observé la scène extérieurement, comme si iréel. La dissociation est souvent considérée comme un mécanisme d’adaptation qu’une personne utilise pour se déconnecter d’une situation stressante ou traumatique ou pour séparer les souvenirs traumatiques de sa conscience. C’est un moyen pour une personne de rompre la connexion avec le monde extérieur et de se distancer de ce qui se passe. Certes un mécanisme de défense lors de l’évènement traumatique, la dissociation peut rester chez la personne victime de violence bien longtemps après l’évènement traumatique. La victime peut rester dissociée et anesthésiée de tout sentiment ce qui va la mettre dans une position de confusion, d’irréalité. Ses émotions déconnectées, la personne sera indifférente aux événements futurs et passés - cela peut entrainer une déconnexion totale du monde extérieur et une confusion générale. La dissociation est un facteur de risque majeur de revictimisation. Il est important de rappeler que 70 % des victimes de violences sexuelles subissent d'autres violences sexuelles tout au long de leur vie (IVSEA, 2015). Les victimes dissociées peuvent être reconnues et ciblées par les prédateurs. La confusion et la désorientation liées aux symptômes dissociatifs entraînent des troubles cognitifs ce qui va rendre une personne plus vulnérable. Ce mécanisme peut de plus laisser des séquelles psychologiques durables telles que l’altération des fonctions mnésiques et donc une difficulté à se souvenir en détail des faits.


L’amnésie traumatique

A cause de la dissociation au moment de l’événement traumatique, les violences subies peuvent être oubliées, enfouies. Les amnésies traumatiques complètes ou parcellaires sont un trouble de la mémoire fréquent que l’on retrouve chez les victimes de violences et plus fréquemment chez les victimes de violences sexuelles ayant eu lieu dans l’enfance. De nombreuses études ont décrit ce phénomène depuis le début du 20e siècle, d’abord mis en lumière chez des soldats traumatisés amnésiques des combats, puis chez les victimes de violences sexuelles, chez qui on a retrouvé près de 40 % d’amnésie complète et 60 % d’amnésie partielle quand les violences ont eu lieu dans l’enfance (Brière, 1993 ; Williams, 1994 ; IVSEA, 2015). De plus, le collectif ‘Stop au déni’ a réalisé en 2015 une étude significative auprès de 1 214 victimes de violences sexuelles : les résultats montrent que 37 % des victimes mineures ont rapporté des périodes d’amnésies traumatiques qui ont duré jusqu’à quarante ans. Leurs résultats ont mis en avant que plus l’enfant est jeune au moment des faits, plus le risque d’amnésie est grand, allant parfois jusqu’à une absence totale de souvenirs pour une période de vie. Le risque d’amnésie est d’autant plus grand que les abus ont eu lieu dans la sphère familiale et que le lien avec l’agresseur est étroit. La psychologue américaine Linda Meyer Williams a aussi réussi à démontrer à travers une étude (1994) que l’amnésie traumatique pouvait même avoir lieu quand bien même la victime s’était confiée à d’autres au moment du drame. Le souvenir et la confession de celui-ci peuvent être effacés de la mémoire de la victime et 38% des femmes interrogées ne se souvenaient pas des abus qu’elles avaient pourtant rapportés dix-sept ans plus tôt.

Bien que le trauma soit enfoui et oublié pour un moment donné, les victimes d’amnésie traumatique ont souvent un mal-être, une sensation de vide qui ne peut s’expliquer par la personne qui n’a aucun souvenir et est inconsciente pour le moment du trauma enduré. L’amnésie traumatique se réactive fréquemment par un stimulus déclencheur ou lors d’une thérapie. La réactivation peut souvent être très brutale, les violences passées refont surface et peuvent être vécues comme lors du moment de l’agression, avec la même intensité, les même ressentis et angoisses.


La mémoire traumatique

La mémoire traumatique est au cœur des troubles psychotraumatiques car elle contient le souvenir enfouit de ce traumatisme. Contrairement à la mémoire autobiographique, la mémoire traumatique est non-intégrée par l’hippocampe qui a été isolée lors du trauma. La mémoire du traumatisme reste inconsciente et cachée dans une partie du cerveau. Suite à une dissociation ou amnésie traumatique, le cerveau préfère enfouir le souvenir de cet évènement traumatique plutôt que d’y faire face émotionnellement, étant d’une trop grande violence. La mémoire traumatique contient le souvenir du traumatisme et peut se déclencher à tout moment. Le souvenir enfouit dans l’inconscient va venir se manifester, des fois des mois, des fois des années après l’évènement. La mémoire peut être déclenchée par une odeur, un son, une image, tout lien qui rappelle à la victime le moment de son agression, sans forcément qu’elle en soit consciente. Le souvenir du trauma va revenir à la mémoire de la personne de manière spontanée, avec les mêmes sensations et émotions que la victime a ressenties lors de l’événement. Comme toutes choses inconscientes, la mémoire traumatique trouvera un moyen de s’exprimer ; dans beaucoup de cas, la remontée de la mémoire traumatique se fait à travers des cauchemars ou des flashbacks. Ces images intrusives ne sont parfois ni identifiées ni consciemment reliées au traumatisme ce qui peut causer chez la personne un sentiment de perte de contrôle total et enclencher des stratégies d’évitements pour ne pas ressentir de nouveau cette perte de contrôle. La mémoire traumatique qui ressort est cependant une finalité à la dissociation et le début de la fin de l’amnésie traumatique. Un travail thérapeutique ne pourra que commencer après que la mémoire traumatique fasse ressortir la réalité douloureuse de l’évènement.


Bibliographie :

· Association Mémoire Traumatique et Victimologie Accueil. (s. d.). /https://www.memoiretraumatique.org/

· Thibaud, C. (2020). Qu’est-ce que la sidération ? Doctissimo : https://www.doctissimo.fr/psychologie/surmonter-les-epreuves/sideration-traumatique

· Salmona, M (2018) Chapitre 7. L’amnésie traumatique : un mécanisme dissociatif pour survivre. Victimologie, pages 71 à 85 : https://www.cairn.info/victimologie--9782100784660-page71.htm#:~:text=L'amn%C3%A9sie%20traumatique%20se%20d%C3%A9finit,des%20informations%20 autobiographiques%20importantes%2C%20habituellement

· Alouti, F. (2017, 15 novembre). Qu’est-ce que l’amnésie traumatique ? Le Monde.fr : https://www.lemonde.fr/societe/article/2017/11/09/trois-choses-a-savoir-sur-l-amnesietraumatique_5212819_3224.html

· Salmona, M (2018). La mémoire traumatique : violences sexuelles et psycho-trauma. Dans Les Cahiers de la Justice 2018/1 (N° 1), pages 69 à 87 : https://www.cairn.info/revue-les-cahiers-de-la-justice2018-1-page-69.htm

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