On entend par violence sexuelle tout acte sexuel, effectif ou tenté, quelle qu'en soit la nature imposée à autrui en utilisant la violence, la contrainte, la menace ou l'effet de surprise. Les agressions sexuelles touchent toutes les classes sociales: plus 25% de la population occidentale sont agressés sexuellement au cours de leur vie, 80% des victimes d'agressions sexuelles sont de sexe féminin et parmi les victimes 62% ont moins de 18 ans (OMS, 2014). Commises par des hommes dans 95 % des cas et par des proches dans 80 % des cas (ce chiffre monte à 90 % pour les agressions sur les enfants). Elles s'exercent partout, mais dans plus de la moitié des cas, elles se font dans la famille et dans le couple (Jaspard & al, 2000). Plus les espaces sont censés être surs, plus les victimes sont censées être en sécurité, plus les endroits sont risqués et plus les personnes sont censées être protégées comme les enfants ou les personnes vulnérables, plus elles en sont victimes.
L'identification à l'agresseur a tout d'abord été introduite par le psychanalyste Sandor Ferenczi en 1933, et puis Anna Freud a continué son analyse quelques années plus tard. Selon Ferenczi, ce mécanisme est la conséquence d'un traumatisme majeur accompli par un parent ou un proche dans un modèle familial dysfonctionnel où l'enfant se sacrifie pour garder cette relation d'amour avec l'adulte coupable et donc ne pas détruire l'amour réciproque avec ses figures d'attachement. Il est important de rappeler que la majorité des actes de pédophilie sont exécutés par des membres de la famille de l'enfant. Lors d'un abus (incestueux ou non), l'enfant réagit par l'identification et l'introjection de celui qui l'agresse pour assurer sa survie psychique.
L'enfant abusé obéit mécaniquement pour protéger sa relation avec son abuseur « La peur que les enfants vivent dans ces situations les oblige à se soumettre à la volonté de l'agresseur et à obéir en s'oubliant totalement et à s'identifier complètement à l'agresseur. L'agresseur est introjecté ; il disparaît en tant que réalité extérieure et devient intrapsychique » (Ferenczi S., 1932). L'enfant se retrouve obliger d'accepter l'abus, d'oublier ses propres émotions. En oubliant sa propre personne, le prédateur est capable de s'introduire dans le psychisme de l'enfant, de le tuer intérieurement sans le faire mourir. L'identification à l'agresseur est au final un mécanisme de défense qui permet à l'enfant d'échapper, comme dans un rêve, à une réalité violente. *
Sur le plan psychanalytique, Anna Freud reprend les travaux de son père qui dès 1920 dans « Au-delà du principe de plaisir » notait que ce passage du rôle passif en rôle actif permettait à l'enfant d'assimiler les évènements traumatisants. Freud démontre qu'en jouant le rôle de l'agresseur, en lui empruntant ses attributs, en imitant ses agressions, l'enfant se transforme de menacé en menaçant. Il y a une sorte de reprise de contrôle, de devenir le dominant dans ce nouveau scénario. L'enfant se sent impuissant quand il vit l'agression et certains pourront, pour se protéger de ce sentiment d'impuissance, chercher à réparer la situation en devenant eux-mêmes agresseur, et donc reprendre le pouvoir sur la situation.
Il faut aussi rappeler qu'un état traumatique à caractère sexuel peut aussi entrainer un agresseur sur un autre registre que la sexualité, en incluant toutes les formes de violences. Il est important de souligner le rôle de l'entourage et du thérapeute, suite à une agression sexuelle sur un enfant, pour empêcher l'identification à l'agresseur comme mécanisme de défense qui peut être un mécanisme psychopathologique. L'enfant de son jeune âge n'a pas conscience de l'agression dont il vient d'être victime et ne sait pas pourquoi, comment, il ne peut différencier le bien du mal, la normalité à la criminalité. Il est donc primordial pour l'entourage s'il est au courant de communiquer et d'expliquer à l'enfant que ce qu'il a vécu n'est pas normal, que ce n'est pas bien – bien que très difficile dans ce moment, l'enfant doit parvenir à comprendre ces notions pour ne pas introjecter cette identification à l'agresseur.
Enfant Bleu. (s. d.). Toutes les informations sur la maltraitance infantile | L'Enfant bleu. L'Enfant Bleu https://enfantbleu.org/lasideration/#:~:text=Celle%2Dci%20est%20un%20%C3%A9tat,ce%20soit%20physiquement%20ou%20%C3%A9motionnellement
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· Salmona, M (2018). La mémoire traumatique : violences sexuelles et psycho-trauma. Dans Les Cahiers de la Justice 2018/1 (N° 1), pages 69 à 87 : https://www.cairn.info/revue-les-cahiers-de-la-justice-2018-1-page-69.htm · Ida Lounsky, Thierry Bastin (2018). L'identification à l'agresseur. Psychanalyse.be : https://www.psychanalyse.be/ressource/lidentification-a-lagresseur/ · James W. Hopper (Juin, 2023). Why many rape victims don't fight or yell. The Washington Post : https://jimhopper.com/pdf/hopper_whymanyrapevictimsdon'tfightoryell.pdf
· Roland Coutanceau, Carole Damiani (2018) Victimologie : Evaluation, traitement, résilience · Institut national de santé publique du Québec. (s. d.). Institut national de santé publique du Québec : https://www.inspq.qc.ca/agression-sexuelle/comprendre/consequences · Cutajar, M.C., Mullen, P.E., Ogloff, J.P., Thomas, S., Wells, D., Spataro, J. (2010). Psychopathology in a large cohort of sexually abused children followed up to 43-years. Child Abuse & Neglect, 34(11), 813-822.
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